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08/01/2016

Parano-City

Entre Noël et Nouvel-An, j’ai passé quelques jours à Paris. Comme tous les francophones du monde, j’aime beaucoup cette ville, qui est aussi un peu chez moi, ma capitale, dont je suis depuis toujours les faits et gestes politiques, culturels, les hauts et les bas. C’est dire à quel point j’ai eu mal au cœur lors de mon dernier séjour. Les Parisiens demeurent choqués, et l’atmosphère plombée par les récentes exécutions sommaires dont ont été victimes des dizaines de personnes, dans la salle de spectacle du Bataclan, sur des terrasses de cafés ; des endroits si familiers, devenus depuis lors des lieux de pèlerinage.

 C’est le cas du Bataclan. Lorsque je m’y suis rendue fin décembre, la nuit était déjà tombée. Je n’ai pas vu tout de suite les dizaines de personnes, originaires du monde entier, massées sur le trottoir d’en face, recueillies, silencieuses, devant les poèmes, fleurs, bougies déposés à la mémoire des victimes. Dans la rue qui longe le Bataclan, dont les images hallucinantes ont été diffusées en boucle sur toutes les chaînes de télévision, les badauds, incrédules, prennent en photo les impacts de balles qui sont toujours visibles sur les murs, le long des sorties de secours par lesquelles certains s’étaient échappés, en traînant sur le sol leurs camarades blessés ou mourants.

Durant toute cette semaine, la France a commémoré les assassinats, ciblés, des dessinateurs de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Les tueries du 13 novembre ont, elles, fait passer le message que n’importe qui pouvait être visé. Et cela se ressent, où qu’on se trouve dans la capitale. Lorsque vous achetez une crêpe à un vendeur ambulant, il vous parle aussitôt du fait que les touristes ont déserté Paris, par crainte d’être victime d’un attentat aveugle. Les hôteliers racontent eux aussi à quel point la fréquentation de leurs établissements a chuté.

Cette crainte diffuse s’est introduite partout. En prenant le métro, difficile de s’empêcher de lorgner d’un œil un peu inquiet lorsque monte à une station un musulman barbu, en djellaba, portant un blouson un peu gonflé autour de la taille ; même si dans un deuxième temps, on enchaîne avec des plaisanteries, histoire de rire un peu de ces excès de paranoïa. Je me rappelle avoir instinctivement hâté le pas en marchant le long des interminables couloirs de la station de métro « Châtelet », suite à une conversation avec un ami parisien, qui avait pronostiqué que cette station centrale représentait une « cible » idéale.

Un rire jaune s’est introduit y compris dans les salles de spectacles. Dans son show, le jeune humoriste qui monte Ahmed Sylla, en pleine impro, s’est ainsi adressé sur le mode comique à un spectateur fictif prénommé Moussa, qui se serait assis tout près de la sortie, sous-entendu : pour fuir rapidement après attentat. Avant de conclure, en se référant toujours aux événements du Bataclan : « Ces gars-là, ils nous ont niqué la life »…

A Paris, tout est en effet devenu plus grave, plus compliqué. L’entrée des musées, des institutions, sont, comme dans les aéroports, des lieux où vous passez à travers un portique, où votre sac est fouillé de près. Avant de pénétrer dans le Grand Palais, on vous informe que tout sac volumineux est interdit à l’intérieur du bâtiment. Dans le métro, régulièrement, vous êtes informés que telle ligne est fermée en raison d’un colis suspect. Les militaires s’épuisent à parcourir des kilomètres, pour donner l’illusion aux gens de les protéger du prochain carnage. Car les Parisiens ne se demandent pas si, mais quand il aura lieu. Vous avez dit Parano-City ?

Les psychologues et les psychiatres sont pris d’assaut par des hommes et des femmes qui ont peur, peur de sortir dans la rue, de prendre les transports publics, d’aller au spectacle, et qui ont besoin d’un appui. Dans le même temps, les gens continuent à aller et venir, à vivre. Comment faire autrement ? J’ai quitté Paris un peu triste, mais en même temps heureuse de mon immersion dans cette ville, certes traumatisée, mais toujours aussi vibrante. Paris sera toujours Paris.

 

28/07/2014

Fashion faux pas à Abidjan

 

 

Lors de sa visite à Abidjan, la secrétaire d'Etat Annick Giradin a fait un "fashion faux pas" qui a choqué les Ivoiriens et enflammé la toile.

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Les Ivoiriens sont connus pour leur « chiquitude » et pour être stylés en toutes circonstances. Et leur classe politique n’est pas en reste, à commencer par le couple présidentiel, aux tenues toujours parfaites, tout comme celles des membres du gouvernement. C’est dire si la Côte d’Ivoire est demeurée bouche bée en découvrant l’accoutrement d’Annick Girardin, la secrétaire d’Etat au développement et à la francophonie, lors de sa descente d’avion, aux côtés du président français François Hollande et de ses ministres, en visite officielle à Abidjan le 17 juillet dernier : petite veste noire mal coupée d’où dépassait un T-shirt improbable, pantalons à carreaux couleur grisouille, et surtout, surtout, énormes baskets blanches, avec rabat et semelles compensées, pour fouler le tapis rouge...

Du coup, les réseaux sociaux se sont emparés de l’affaire et ont été mis à contribution pour exprimer stupeur et indignation : « Madame Annick Girardin se croyait en brousse ? Comportement très insultant pour l’Afrique », « A moins qu’Annick Girardin estime qu’une visite officielle dans un pays africain ne mérite pas une meilleure tenue ? Honte à François Hollande », « La classe à la française », peut-on y lire. Même le très sérieux hebdomadaire Jeune Afrique publiait, dès le lendemain, un article sur son site, pour dénoncer le « fashion faux pas » d’Annick Girardin.

Cette anecdote m’a rappelé d’autres sorties d’avions détonantes. Telle celle de Jean-Christophe Mitterrand, lorsqu’il était le Monsieur Afrique de son président de père, et qu’il portait volontiers une chemise hawaïenne multicolore lorsqu’il débarquait sur le continent. Il était alors accueilli à sa sortie d’avion par des officiels en costumes sombres, très chics et très classes, coupés sur mesure par les plus grands couturiers parisiens. Ou encore Bernard Kouchner, l’ex-ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, qui adorait porter un « abacost » avec col Mao lorsqu’il se rendait en Afrique centrale, renouant ainsi avec la mode en vigueur dans l’ex-Zaïre, du temps du maréchal Mobutu. Pensait-il faire ainsi couleur locale ? Ou était-ce simplement sa manière à lui d’être chic en Afrique ?

L’Afrique exige-t-elle d’ailleurs un « dress code » particulier ? On pourrait le penser en découvrant certaines tenues, sorties tout droit du petit film que chacun se fait lorsqu’il pose un pied sur terre africaine. La chanteuse Madonna, lorsqu’elle s’était rendue au Malawi pour faire son « marché aux enfants », avait par exemple opté pour un look résolument guerrier : pantalon treillis camouflage, bottes noires montantes style rangers ; il ne manquait plus que la kalachnikov en bandoulière. Pourtant, ni groupes rebelles, ni milices armées n’avaient été signalées dans le pays. On croise aussi des adeptes de la mode tirée du film américain « Out of Africa » : dégradé de tons beiges et ocres, couleur terre africaine, mousseline légère pour elle, chemise en lin pour lui - et moustiquaire pour tout le monde. Ou encore des baroudeurs style Camel Trophy, avec gilet multipoches et kit de survie, même pour sillonner les capitales.

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Le fashion faux-pas de la secrétaire d’Etat française Annick Girardin montre en tout cas à quel point les tenues des femmes et des hommes politiques sont scrutées, analysées jusque dans leurs moindres détails, par une opinion publique qui ne pardonne aucune faute de goût. Le président François Hollande lui-même en fait régulièrement les frais. Sa cravate de travers, sa manche de chemise qui dépasse, ses costumes trop ajustés qui le boudinent, rien ne lui est épargné. Le site intitulé « François, ta cravate ! » a ainsi recensé que le président de la République aurait porté 568 fois sa cravate de travers en 1171 apparitions publiques… Dernier look raté : son pantalon de smoking, trop long, qui tire-bouchonne sur ses chaussures vernies, lors du dîner officiel organisé à l’Elysée en l’honneur de la Reine d’Angleterre. « Accident de pantalon à l’Elysée. Une victime » a aussitôt tweeté, impitoyable, un chroniqueur politique.  

08/10/2013

Sauter dans la première pirogue venue...

(Chronique publiée le 15.7.2007 dans les colonnes du Matin Dimanche par Catherine Morand, journaliste, reproduite en lien avec l'actualité de centaines de migrants échoués au large des côtes de l'île de Lampedusa)

Malte, Lampedusa, Lanzarote, Tenerife, les Canaries, mais aussi la Grèce, l'Espagne, l'Italie, la Sicile, autant de destinations dont les noms nous font rêver en cette période de vacances... C'est également sur ces mêmes côtes que, durant tout l'été, des milliers de candidats à l'émigration vont mettre le cap, avec, parfois, à la clé, des images chocs, mêlant jeunes gens à bout de force et vacanciers éberlués.

L'année dernière, quelque 900 pirogues sont venues s'échouer sur les seules plages des îles Canaries, avec plus de 35 000 personnes à bord.

Depuis, la riposte s'est organisée et porte le nom de "Frontex", un dispositif mis en place par l'Union européenne pour surveiller les côtes ouest-africaines et lutter contre l'émigration clandestine. C'est grâce à Frontex que sur les plages du Sénégal, tout aussi paradisiaques d'ailleurs que celles des Canaries, on croise désormais des policiers à bord de quads zigzaguant entre les baigneurs, qui traquent les émigrants potentiels et inspectent toute pirogue suspecte.

Outre les quads, Frontex a également fourni au Sénégal deux vedettes, un hélicoptère et un avion construit spécialement pour la traque des clandestins, équipés de caméras infrarouges, pilotés par des patrouilles mixtes euro-africaines.

Ce dispositif n'empêche guère les candidats à l'immigration de continuer à sauter dans la première pirogue venue. La déferlante se poursuit, à partir d'autres zones, moins surveillées. 

Mais est-ce bien raisonnable de continuer à comptabiliser le nombre de corps retrouvés au large des côtes européennes sans chercher à comprendre pourquoi ces jeunes, dans la force de l'âge, font le choix terrifiant de quitter leur pays dans des conditions dantesques, avec souvent la mort sur leur route, plutôt que de rester chez eux ?

Ceux-ci ne demandent pourtant que de pouvoir travailler et gagner leur vie dans leur pays. Mais cela relève de plus en plus de la mission impossible. Les politiques commerciales et financières qui régissent les échanges mondiaux ne laissent pratiquement aucune chance aux économies africaines. Les campagnes se vident, les villes ne génèrent que peu d'emplois. Chacun doit donc se "débrouiller" pour survivre, livré à lui-même, dans un contexte où les prestations sociales sont quasi inexistantes.

La responsabilité des classes dirigeantes africaines est également écrasante : toujours aussi prédatrices, elles apparaissent avant tout préoccupées par leur propre maintien au pouvoir. Et semblent se soucier comme d'une guigne de leur propre jeunesse.